« Nous Pourrions Ne Pas Venir pour Lui » : Pourquoi les Médecins Ne Jugent Pas Ceux Qui Refusent de S’occuper de Membres Malades de Leur Famille

Je travaille dans une unité de rééducation neurologique, un endroit où les patients viennent pour retrouver leur force et leur indépendance après des maladies ou des blessures graves. Chaque jour, nous voyons des personnes à leur plus vulnérable, luttant pour reconstruire leur vie. L’un des aspects les plus difficiles de notre travail est de s’assurer que chaque patient a quelqu’un pour venir le chercher après sa sortie. Malheureusement, tout le monde n’a pas une famille prête à les soutenir.

Cette fois-ci, c’était Laurent. Laurent était un homme d’une trentaine d’années avec une apparence sauvage qui le faisait ressortir. Il avait des tatouages couvrant ses bras et son cou, et ses cheveux étaient toujours en désordre. Malgré son extérieur rugueux, Laurent avait une âme douce. C’était un artiste, toujours en train de dessiner dans son carnet dès qu’il avait un moment libre. Ses dessins étaient magnifiques, remplis d’émotion et de profondeur.

Laurent était avec nous depuis plusieurs semaines, se remettant d’un AVC sévère qui l’avait laissé partiellement paralysé et avec des problèmes de mémoire importants. Il travaillait dur en thérapie, déterminé à retrouver autant de fonctions que possible. Mais à mesure que la date de sa sortie approchait, il devenait clair que personne n’était pressé de le ramener chez lui.

Je me souviens du jour où j’ai appelé sa sœur, Claire. Elle était le seul membre de la famille inscrit dans ses dossiers. J’ai composé son numéro, espérant le meilleur mais me préparant au pire.

« Allô ? » La voix de Claire était sèche et impatiente.

« Bonjour, c’est Adeline de l’unité de rééducation neurologique. J’appelle au sujet de votre frère, Laurent. Il est prêt à sortir demain. »

Il y eut une longue pause à l’autre bout du fil. « Je ne peux pas venir le chercher, » finit par dire Claire. « J’ai ma propre famille à m’occuper. Je ne peux pas gérer les besoins de Laurent en plus de tout le reste. »

J’ai essayé d’expliquer que Laurent aurait besoin d’aide pour les tâches de base et qu’il ne pouvait pas être laissé seul. Mais Claire était résolue. « Je suis désolée, » dit-elle. « Je ne peux tout simplement pas le faire. »

Après avoir raccroché, j’ai ressenti un mélange de frustration et de tristesse. Ce n’était pas la première fois que je rencontrais une famille refusant de prendre la responsabilité de leur proche malade, et ce ne serait pas la dernière. Mais cela ne devenait jamais plus facile.

Le lendemain, Laurent était assis dans sa chambre, prêt à partir. Il me regarda avec des yeux pleins d’espoir, serrant fermement son carnet de croquis. « Claire vient ? » demanda-t-il.

J’ai pris une profonde inspiration et secoué la tête. « Je suis désolée, Laurent. Elle ne peut pas venir. »

Son visage s’assombrit et il baissa les yeux vers son carnet de croquis, traçant les lignes de son dernier dessin avec un doigt tremblant. « Je comprends, » dit-il doucement.

Nous avons arrangé pour que Laurent soit transféré dans un établissement de soins de longue durée. Ce n’était pas idéal, mais c’était le mieux que nous pouvions faire dans les circonstances. Alors qu’il était poussé hors de l’unité, il se tourna vers moi et me fit un petit sourire. « Merci pour tout, » dit-il.

Je l’ai regardé partir, sentant un poids lourd dans ma poitrine. Dans notre métier, nous voyons le meilleur et le pire de l’humanité. Nous voyons des familles prêtes à déplacer des montagnes pour leurs proches et celles qui ne peuvent ou ne veulent pas intervenir quand c’est nécessaire.

Il est facile de juger ceux qui refusent de s’occuper de leurs proches malades, mais la vie est compliquée. Les gens ont leurs raisons, leurs propres luttes et limitations. En tant que professionnels de la santé, nous faisons de notre mieux pour soutenir nos patients et trouver des solutions, même lorsque ces solutions ne sont pas parfaites.

L’histoire de Laurent n’est qu’une parmi tant d’autres, un rappel que tous les patients n’ont pas une fin heureuse qui les attend à l’extérieur de nos portes. Mais nous continuons, faisant ce que nous pouvons pour faire une différence dans leur vie, même si ce n’est que pour un petit moment.